Adrien Belgrand : invitation à la contemplation

–        Johanna Beeckman –

Le temps est long mais jamais monotone dans les toiles du peintre Adrien Belgrand. Presque photographiques sans pour autant tomber dans l’hyperréalisme, ses œuvres ont un supplément d’âme qui éveillent nos sens et laissent place à la contemplation. 

C’est à l’abri des regards qu’Adrien Belgrand, nous reçoit dans son atelier parisien. Aussitôt happés par les immenses toiles colorées, nous ressentons une forme d’apaisement et de quiétude. Car oui, les peintures de Belgrand sont douces, bienveillantes et surtout attentives à l’autre ; aux détails du quotidien. Fin observateur, il retranscrit fidèlement avec son pinceau ce que l’œil humain voit et que la photographie ne peut rendre visible. 

« La peinture représente des choses que la photo ne pourrait pas représenter à certains moments et inversement ». 

Peintre, une évidence?

La carrière de peintre n’a pas tout de suite été une évidence pour Adrien Belgrand qui entame d’abord des études en arts appliqués. Diplôme en poche, il se l’avoue finalement :  c’est la peinture qui le passionne. « J’ai l’impression d’exister à travers ce que je peints ». Ses notions en architecture et graphisme ne passent pas pour autant à la trappe puisqu’il les mobilise, à ses débuts, avec des toiles très figuratives et géométriques. Un peu comme l’anglais David Hockney, dans les années 60, les premiers tableaux d’Adrien sont avant tout des aplats.  Esthétiques et contrastés, ils mettent l’accent sur des espaces vides sans toutefois être dépourvus de présence humaine. Ce sont des étalages de supermarchés, des routes californiennes ou encore des pompes à essence. 

Parce qu’il avait envie de narrer des histoires à travers ses œuvres, originellement statiques, il modifie progressivement son regard et fait évoluer son travail vers des scènes plus habitées et personnelles. 

« Cette démarche d’aller vers plus de réalisme s’est accompagnée d’une volonté d’aller vers des personnages plus narratifs, des scènes plus construites ; qui racontent quelque chose ».  

L’accumulation d’objets laisse ainsi place à des moments plus intimes qui immiscent le spectateur dans la vie quotidienne des individus, que le peintre suggérait autrefois par des silhouettes. Les expressions faciales apparaissent et les paysages s’ouvrent. Seul l’amour d’Adrien pour la lumière et les couleurs chaudes reste inchangé.

« Pour une scène, je peux prendre 15 photos différentes »

En vrai trompe-l’œil, les peintures de Belgrand sont réalistes certes, mais veulent se distancer de l’immédiateté de la photographie et de l’objectivité froide qu’elle peut avoir. « Quand on prend une photo, l’appareil a tendance à caricaturer la scène et peut écraser les couleurs ». Devant les immenses toiles exécutées avec précision, rien n’est figé ; l’œil se balade. 

La jetée Aragonaise, 114×162 cm, acrylique sur toile ©Olivier Foeller

Pour avoir un tel résultat, Adrien a sa technique : l’IPad comme support d’appui. Bien plus rapide que le traditionnel carnet de croquis, il s’en sert comme prise de notes. « Pour une scène, je peux prendre 15 photos différentes et je vais m’en inspirer pour en faire une composition ». Comme pour un puzzle géant, le peintre utilise tous les « rushs d’images » afin de reconstituer fidèlement ce que l’œil voit. Il éclaircit par exemple certaines zones du tableau en contre-jour sur l’écran mais qui sont visibles dans la vraie vie. De cette manière, l’illusion opère : « on sent les textures et on a quasiment envie de toucher les rochers ». 

Place à la contemplation 

Le temps s’étire dans les acryliques d’Adrien Belgrand. Quelques instants se transforment vite en quelques heures. Immergé par la scène, le spectateur s’arrête et la contemple, se rappelant de la préciosité du temps. Ce dernier est essentiel pour le peintre qui a parfois l’impression que le flux d’informations va très, voire trop vite.

D’ailleurs, il le reconnaît, « si on veut représenter la vitesse alors la photographie est peut-être meilleure (…) la peinture, elle, s’inscrit plus dans le temps long ». Devant ces vues provençales d’une douceur rare, on ne peut être qu’apaisé. S’ajoute à cette douceur le choix de peindre des gens dans des positions statiques ou en train de contempler. Comme un phénomène de réflexion, nous adoptons à notre tour une attitude contemplative. Par ailleurs, cette lenteur permet de faire entrer le spectateur dans la toile. Dans les tableaux de Belgrand, il y aussi la volonté que le temps s’écoule à l’intérieur-même de la scène. 

« Chacun décide de consacrer le temps qu’il veut devant la toile ».

Autre sujet central dans les peintures de Belgrand : l’eau. Véritable objet de fascination, elle représente « un défi technique ». 

« L’eau c’est fluide donc difficile à rendre, c’est quelque chose d’infini, il faut représenter le mouvement ».

Qu’elle soit naturelle ou artificielle comme dans une piscine par exemple, l’élément se décline sous plusieurs formes et permet d’imaginer plein de choses. Elle est, pour citer le peintre, « comme un miroir de l’âme ». 

Sans jugement moral, l’artiste témoigne également de nos modes de vie et habitudes chronophages : absorbés par nos téléphones, il nous arrive de passer à côté de paysages grandioses et luxuriants. Ces rappels contemporains ne sont cependant que minimes dans son travail. 

Crépuscule – 50×73 cm – acrylique sur toile

En bref, les peintures d’Adrien Belgrand arrivent à capter les ambiances, la chaleur et le silence. Attentif aux moindres détails, l’artiste se fait le témoin d’un monde vibrant, toute en délicatesse et douceur. Face à ce flux incessant d’informations, il semble ainsi essentiel de prendre le temps tout simplement.

Pour en savoir plus sur le peintre, rendez-vous sur ses réseaux

Expositions Adrien Belgrand en cours : 

  • Exposition personnelle :  2 juillet au 15 septembre 2022 – “The great escape”, Domaine de Roueïre CC Sud Hérault (Roueïre)
  • Exposition collective : 2-10 juillet 20222– « Summer vibes », avec la galerie Lara Sedbon, bastille design center (Paris)

 

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